Alexandre Scriabine (1872-1905) |
Alexandre Scriabine, né le 6 janvier 1872 à Moscou d'un père diplomate et d'une mère pianiste, est certainement l'une des figures les plus singulières du siècle dernier.
À ses débuts, Scriabine appartient comme Rachmaninov à une nouvelle musique russe influencée par Chopin, Liszt, Wagner et Debussy. Puis, dès 1907 avec son Poème de l'extase, et surtout à partir de 1911 avec la Sonate n°6 et Prométhée, il évolue vers un modernisme qui fait de lui un pionnier dans l'histoire de la musique au XXe siècle. Sur les plans harmonique et rythmique, l'uvre de Scriabine contient des éléments extrêmement innovants, comme la polymodalité, la polyrythmie, le dodécaphonisme, les échelles symétriques.
Enfant, Scriabine manifeste des dons exceptionnels au piano, et Anton Rubinstein lui prédit une grande carrière de virtuose. De 1882 à 1888, il est " cadet " à l'Ecole militaire de Moscou, et est admis au conservatoire de Moscou en 1888, où il est élève de Vassili Safonov pour le piano, Ivanovitch Taneïev et Anton Stépanovitch Arenski pour la composition.
Il quitte le conservatoire en 1892, et commence à voyager en Suisse, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique et à Paris, pour jouer au piano ses premières compositions. À Paris, en 1896, il devient adhérent à la SACEM. En 1898, il est nommé professeur de piano au conservatoire de Moscou, poste dont il démissionnera en 1902.
Les pièces (opus 1 à 29) composées pendant cette première période de sa vie sont très influencées par le romantisme et l'exaltation chopiniens. Citons les Etudes op. 8, les trois premières Sonates (opus 6, 19, 23), dont la troisième possède déjà une symbolique musicale très nietzschéenne, les Préludes op. 11, 15 et 16, son Concerto pour piano, et un cycle de Mazurkas, lmpromptus et Nocturnes. Ses deux premières Symphonies, très marquées par Wagner et par un chromatisme abondant, sont assez mal perçues par le public.
L'année 1903 voit naître énormément d'opus, environ trente-cinq pièces pour le piano, dont la 4e Sonate, le Poème tragique, le Poème Satanique, les Etudes op. 42 et surtout une grande partie de la 3e Symphonie ainsi que le Poème Divin.
En 1904, Scriabine quitte la Russie pour séjourner plusieurs années à l'étranger, en Suisse, puis à Paris (1905), en Italie (1906) aux Etats-Unis (1906), à nouveau en Suisse (1907) et en Belgique (1908-1909). C'est à Lausanne et à Beatenberg en 1907 qu'il termine, dans des conditions de vie de plus en plus difficiles, le Poème de l'Extase et qu'il compose sa 5e Sonate op. 53.
À partir de 1904, Scriabine note dans un journal ses idées et ses réflexions philosophiques. Il est en perpétuelle recherche d'une vérité, d'un sens à sa création, et à la vie en général. Il découvre la théosophie, et fréquente le linguiste E. Sigogne et le peintre symboliste Jean Delville, auteur de la page de titre de Prométhée, ébauchée en 1908/1909 à Bruxelles.
Scriabine cherche à donner une dimension spirituelle et métaphysique à son uvre. Il prévoit pour Prométhée la présence d'un clavier à couleurs dont les dégradés accompagneraient les sons selon des correspondances mystiques destinées à transcender les auditeurs. Pour lui, tout est vibration, et une uvre d'art doit être la plus totale possible, faire appel autant à l'ouie qu'à la vision, au toucher, à l'odorat L'aboutissement de cette démarche devait être la liturgie sacrée de son Mystère. L'ouvrage ne fut jamais écrit et seuls subsistent le texte poétique et cinquante-trois pages d'esquisses musicales de l'Acte Préalable qui devait servir de "rituel préparatoire" au Mystère.
En 1910, Scriabine retourne à Moscou.
Ayant rencontré le philosophe musicien indien Inayat à Londres, Scriabine avait approché les milieux théosophiques londoniens et décidé de faire bâtir un temple en Inde pour la réalisation de son Mystère. Mais il tombe malade brusquement, et meurt de septicémie, après de terribles souffrances, le 27 avril 1915.