Debussy - Denis Pascal - Piano "Les
conseils du vent qui passe et nous raconte l'histoire du
monde" Je ne connais pas d'autre règle que celle de mon bon plaisir". Le credo du jeune Debussy avait scandalisé son professeur d'harmonie. Et pourtant, loin de toute facilité, il renvoyait à la plus exigeante des éthiques. Comme tout génie, Claude Debussy eut à développer dès l'enfance une intuition fondamentale. Jusqu'au dernier jour, il resta à son écoute. N'écrivait-il pas au chef d'orchestre D. E. Ingelbrecht en 1915, à 53 ans, trois ans avant sa mort : "Mon retard vient de ce que je réapprends à écrire la musique." Cette fidélité à lui-même, celui qui mettait parfois plusieurs semaines avant de se décider pour un accord la paya au prix fort : insatisfaction quasi permanente, vigilance et doutes de tous les instants, respect opiniâtre de ses propres critères. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'oeuvre pour piano pour celui qui, à l'instar de Mozart, Beethoven... Chopin ou Liszt, en fut incontestablement l'un des maîtres, est essentiellement de maturité. C'est qu'il se méfiait des idées trop vite venues, de ce qu'il qualifiait de "trompe-oreille". Sa discipline était de la nature la plus difficile puisqu'il fallait la chercher dans la liberté et non dans les formules d'une philosophie devenue caduque et bonne pour les faibles. N'écouter les conseils de personne, sinon du vent qui passe et nous raconte l'histoire du monde." Il
souffle en filigrane dans le disque où Denis Pascal fait
alterner oeuvres de jeunesse et oeuvres de maturité. Les
deux Arabesques de 1888 -Debussy avait 26 ans -
enivrent de l'harmonie statique et de la courbe qui lui
étaient si chères. Leur succède Childrens Corner, exquis
recueil écrit pour sa petite fille chérie, Chouchou,
née en 1905. Ces 6 adorables pièces offrent en 1908,
dans l'intimité, la tendresse et l'humour, une
parenthèse de perfection avant les nouvelles conquêtes
artistiques de leur auteur. U élégante, féérique Rêverie
(1890) file le cristal de bien lointaines
réminiscences, vagabonde sur d'immémoriaux chemins
d'imagination. Après l'irrésistible clin d'oeil d'un
Petit Nègre jazzy à souhait (1909), la rupture est
totale : la très sombre Berceuse héroïque (1915)
rend, dans sa sobriété tragique, l'hommage le plus pur
au courage et à la résistance du roi des Belges Albert
ler face aux Allemands, pendant la Première Guerre
Mondiale. Les deux puissants livres d'Images (1905 -
1907), à l'apogée des recherches de Debussy à cette
époque, scintillent de cette "musique de couleurs
et de temps rythmés" à laquelle il aspire et dont
il possède les arcanes. Avec cette exaltation du presque
rien et du silence qui fascine Denis Pascal : "Les
sommets existent chez Debussy, qu'ils soient en creux ou
en plein. Dans Et la lune descend sur le temple qui
fut, le moment qui pourrait être une explosion est
marqué d'un pianissimo en ré majeur. C'est un
aboutissement en négatif, à l'inverse de l'accord en
do, avec superposition d'images qui ponctue le moment où
Barbe Bleue, dans l'oeuvre de Bartok, ouvre la cinquième
porte à Judith. Chez Debussy le registre est secret,
tamisé". Et propice à une véritable alchimie des
sons, à cette "chimie harmonique" dont
lui-même parlait à propos de Cloches à travers
lesfeuilles qui ouvre le deuxième cahier d'Images.
"Qui connaîtra le secret de la composition musicale
?" s'interrogeait, en 1911, l'immense musicien
français dans l'Excelsior. Lui, à coup sûr. |
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